Le Pont royal

1. Le canal de Pommeroeul à Antoing.

Cheminant entre Callenelle et Péronnes, au cœur d’un décor champêtre remarquablement enchanteur, le canal de Pommeroeul à Antoing fracture le village de Maubray en deux sections :

  • Au Nord, le grand hameau dit « de Maubray »,
  • au Sud, le non moins grand hameau dit « de Morlies ».

La construction du canal eut lieu entre 1823 et 1826 (inauguration le 26 juin 1826). Sa création découla de la volonté des autorités de l’époque d’éviter le passage par la France d’un transport direct fluvial du charbon borain vers l’Escaut, contrainte qui donnait lieu à la perception de taxes importantes de la part de l’Etat français. Par la suite, afin de permettre le mouvement de bateaux de plus grands gabarits, il fut remplacé en 1964 par le canal Nimy-Blaton-Péronnes , cadastré également sur terres maubraisiennes, en partie tout au moins. L’ancien canal est à présent surnommé « le vieux canal » par la population locale tandis que l’autre passe pour être «le nouveau canal ».

2. Les ponts sur l'ancien canal.

Maubray s’enorgueillit d’avoir, ou d’avoir eu(!), deux ponts enjambant l’ancien canal :

  • Un pont-levis, à Vezonchaux; il fut supprimé après la désaffectation de l’ancien canal.
  • Un pont fixe, situé au centre du village, à proximité de la gare de chemin de fer, appelé « Pont royal », soit celui qui fait l’objet du présent reportage.

Selon certaines sources, cette dénomination trouverait son origine dans le fait que le pont en question fut construit sous Guillaume 1er d’Orange, roi des Pays-Bas (N.B.- De 1815 à 1830, les provinces belges faisaient partie du Royaume des Pays-Bas). Le renommé « plan POPP » , établi entre 1842 et 1879, le désigne de toute évidence sous ce vocable.


Il n’empêche que le pont, « dit royal », se voit parfois mentionné dans des documents d’époque - même ceux présentant un caractère officiel - sous le nom de « Pont de Morlies ». Le pont métallique actuel n’est en tout cas pas celui d’origine. En effet, un voire deux autres ponts, l’ont devancé, comme indiqué ci-après.

3. Le premier pont : en bois.

On évoque parfois l'existence d’un premier pont, dont l’infrastructure aurait été en bois, ce qui, dans l’affirmative, ne paraîtrait pas anachronique sachant que le bois était le matériau le plus largement utilisé à l’époque dans l’édification de ce genre d’ouvrage d’art. L’histoire de la construction des ponts se trouve en effet directement liée aux matériaux disponibles à chaque période.

Suivant une étude menée par Marc Braham, ingénieur en construction métallique et passionné de pont métalliques (https://www.les-ponts-metalliques-historiques-belges.com/), le pont d'origine aurait été un pont-levis en bois.  Son étude (qui retrace d'ailleurs l'intégralité de l'histoire du pont jusqu'à nos jours (2021)) à ce sujet peut -être téléchargée ici

Ce premier pont-levis en bois est selon Marc Braham attaché à l'écluse n°6 comme l'était le pont-levis de Vezonchaux.

Mais une autre théorie que Serge Rommes avance mérite l'attention :
Ce premier pont en bois n'aurait par contre pas été positionné à l'emplacement actuel ni à hauteur de l'écluse, mais bien un peu en amont, à une époque où le chemin du Renard (célèbre pour l'épisode du maugré qui s'y est déroulé) était le sentier principal qui reliait Maubray à Morlies.  A cette époque, point de chemin de fer (le premier train qui relia Péruwelz à Antoing passa à Maubray le 5 juin 1869), ni de gare et donc encore moins de "rue de la gare", celle-ci s'appelait simplement "Piedsente de Morlies" et donc d'une importance bien moindre, une piedsente étant ce qu'on appelerait aujourd'hui un sentier et ce sentier datait très certainement de bien avant la contruction du canal.

Il semble d'ailleurs que l'ingénieur géographe POPP ait fait ses relevés à Maubray à une époque (1840) où les deux ponts ont cohabité un temps comme le montre l'extrait de la matrice cadastrale de l'époque ci-dessous.  Ce pont-levis de bois reliait donc le chemin du Renard à l'actuelle rue du Biez pour mener à la Ferme de Morlies, ce qui créait une voie directe entre elle et le moulin (du maugré).

D'autre part, on se rend compte de l'extrème importance de ce premier pont puisqu'il fait partie du chemin de Tournay à Condé, le nom actuel de cette voirie étant la Grand'Route
En examinant les lieux actuellement, on se rend compte que ce pont-levis ne devait pas être très facile à emprunter, le dénivelé entre le chemin du Renard et le niveau du canal étant relativement impressionnant.  En se baladant rue du Biez (côté Morlies), la seule trace de cet accès au pont-levis laisse entrevoir comme un cul-de-sac en direction de la "Grande Tranchée".  Environ la moitié de la rue du Biez actuelle faisait donc partie du chemin de Tournay à Condé.
Côté Maubray, la contruction du chemin de fer  et plus tard de la station électrique, ont balayé toute trace de cet accès vers Morlies.  C'est sans doute pour cette raison d'accessibilité que le pont suivant, construit en maçonnerie, cette fois, aura pris place à son emplacement actuel, à savoir au bout de la piedsente de Morlies qui deviendra la rue de la Gare quelques années plus tard.


4. Le deuxième pont royal : en maçonnerie

Celui qui a précédé le pont métallique du 20ème siècle était par contre, de toute évidence, fait de pierres et de maçonnerie. Les trois reproductions ci-après suffisent à en témoigner: deux parmi elles (assez semblables, portent le cachet postal de 1908, l’autre n’est pas datée):

Ce pont n’échappa pas à l’opération de dynamitage effectuée par l’armée allemande avant son départ du pays à la fin de la guerre 1914-18. Se posa alors le problème de sa reconstruction. Mais en attendant celle-ci, un pont provisoire fut aménagé en contrebas de la route, sur « la tête amont de l’écluse n° 6 ».

5. Le pont royal métallique d'après la guerre 14-18

Une fois les hostilités terminées, il s’agissait de reconstruire au plus vite un pont afin de rétablir le franchissement normal de la voie d’eau, et ce, compte tenu « d’une part des difficultés d’accès au pont provisoire et d’autre part, de la dangerosité pour la circulation routière (sic) ». En fait, malgré le degré avéré « d’urgence » - souvent souligné dans les documents officiels - sa finalisation prit 8 ans!!! Le projet définitif aboutit à donner naissance au pont de fer que nous avons connu jusqu'au 21 avril 2021. Ci-après la reproduction d’une carte postale datant des années 1950, qui montre le pont « dans sa splendeur passée »:

Ce n’est qu’en 1922 que débutèrent les études préliminaires en vue de la reconstruction de l’édifice détruit par l‘occupant. Suite à l’évolution des technologies, le choix se porta sur un « pont métallique fixe », l’acier devant permettre un accroissement des performances et conduire à des structures plus légères.

Au départ, il était prévu que le pont devrait être conçu pour livrer un passage « éventuel » à un train vicinal composé de deux locomotives et de deux wagons; le cahier des charges définitif, du 18 septembre 1924, n’en fit plus mention.

Les montants nécessaires furent imputés aux budgets des années 1924 et 1925. L’adjudication publique eut lieu à Mons le 15 novembre 1924; elle conduisit à confier la construction à l’entrepreneur Henri DEWEERDT, d’Oostkamp.
Les travaux furent terminés en mars 1926 et les essais en vue de la réception de l’ouvrage le 3 mai 1926.

Le pont royal constitue un point de ralliement souvent privilégié lors de balades pédestres ou autres manifestations à caractère festif ou culturel organisées dans l’entité.

6. La dégradation progressive du pont royal vers 2010-2015

Sans être grand clerc, on peut réaliser aisément par un simple coup d’oeil que le pont a subi sévèrement les ravages du temps qui passe. Des problèmes de corrosion existent dans les structures métalliques, par suite probablement d’un manque d’entretien (absence de peinture par exemple). Il est avéré en effet que, depuis plusieurs décennies, aucune rénovation ne lui a été consentie. En outre, les matériaux ont subi aussi les traditionnels phénomènes de vieillissement naturel.

Détail de la structure malade du pont royal

7. Décision De Démolition Du Pont

La situation fut constatée et confirmée en 2011 par le SPW qui, de plus, pointa des risques de stabilité de l’ouvrage. Il s’ensuivit  un rétrécissement du passage sur le pont et une circulation en alternance sur une seule bande.

Verdict du SPW : « le pont est irréparable et sera démoli ».
Suite à cette décision, et corrélativement dans un souci de préservation du patrimoine ainsi que du site naturel avoisinant, un « comité de défense du pont royal », composé de Maubraisiens et Maubraisiennes convaincus, a été constitué; il s’est réuni à plusieurs reprises. Ce comité a milité en faveur d’une reconstruction du pont « à l’identique ».

Le Comité était constitué de :

  • Pierre MAHIEU (Président),
  • Jacqueline ESCALIER,
  • Marianne VICO,
  • Pascale ESCALIER,
  • David DANNEAUX,
  • Omer HELLIN,
  • Louis LEFEBVRE (✞),
  • Daniel CARON.


Sa proposition a reçu un accueil favorable auprès des concepteurs du projet auxquels elle a été soumise.

Consultez également le reportage réalisé lors du pique-nique du Pont Royal, le 13 septembre 2015

Un pont en Or

8. Démolition et reconstruction à l'identique

Dans le but de conserver le cadre bucolique du "Vieux Canal", il a été décidé, grace à l'insistance du comité de défense du Pont royal, de reconstruire le pont à l'identique, visuellement parlant, il s'entend.

Le 21 avril 2021, le vieux pont malade est détaché de ses bases et déposé à quelques dizaines de mètres où il sera découpé par la suite.

Le levage

Le 4 juin 2021, pose du nouveau pont

  • Photo de Marc Braham

18 juin 2022 : Inauguration

C'est le 18 juin 2022 que le nouveau pont royal est inauguré par Bernard Bauwens, bourgmestre d'Antoing

Pierre Mahieu dévoile un morceau conservé de l'ancien pont

A cette occasion, un hymne de bienvenue au nouveau pont avait été composé par les membres du comité de défense