Originaire de Marquain, où il naquit en 1907, Luc Vanlanduyt débarqua à Maubray en 1927. Détenteur d’un diplôme d’instituteur et à la recherche d’un emploi, il avait appris qu’un poste d’enseignant devenait vacant dans la commune. Le hic, c’était qu’un Maubraisien de souche, Emile Dellettre, se portait également candidat. Le choix appartenait au conseil communal; au sein de celui-ci, bien moins que les sensibilités politiques, les appartenances à chacun des deux clans résultant de la fracture de 1923 faisaient la différence. Il faut savoir que, depuis lors, les tensions étaient vives au sein du village, suite à la scission de la fanfare locale en deux entités… à propos de querelles familiales :
Luc Vanlanduyt fut soutenu par les conseillers communaux proches de la Fanfare Royale; sa candidature s’avérait intéressante puisqu’il était musicien et donc susceptible d’intégrer la phalange;
Emile Dellettre se situait du côté de la Fanfare l’Union, son père en étant le trésorier; il n’était pas musicien.
Les délibérations du conseil communal furent houleuses et conduisirent à la nomination du Marquinois, qui avait donc opéré le bon choix . A noter que 22 ans plus tard, à son départ, l’histoire repassa les plats mais joua alors dans l’autre sens en terme de résultat : Robert Dutrieux, habitant Fontenoy et candidat étiqueté Fanfare l’Union l’emporta face à Georges Defroyennes, Maubraisien d’origine et par surcroît membre de la Fanfare Royale !
Ainsi, « Monsieur Luc », appellation sous laquelle il fut désigné par les écoliers et finalement par toute la population (son patronyme étant difficilement prononçable par les élèves), occupa la fonction d’instituteur communal et ce, de 1927 à 1949. C’est dire que la presque totalité des Maubraisiens, à l’époque en âge d’école, effectuèrent leurs trois premières années primaires sous sa direction.
En 1934, Luc épousa Célina Vivier, en parfaite symbiose avec sa nouvelle famille puisque celle-ci se trouvait à l’origine de la scission de 1923 évoquée supra et précisément dans la même mouvance sociétale.
Complémentairement à sa charge d’instituteur, Luc fit œuvre de pionnier en matière d’orientation scolaire et professionnelle en créant un office à Tournai, en 1939, à la demande des autorités provinciales, soit un an après qu’il eut obtenu son diplôme de conseiller au jury central. A l’origine directeur à temps réduit, il le devint à temps plein en 1949 et abandonna de ce fait cette fonction d’instituteur qu’il mena de front et avec fruit pendant 10 ans. Il quitta par la suite sa résidence de Maubray pour aller s’installer d’abord à Tournai puis à Orcq.
Dans son rôle de directeur d’orientation professionnelle, il mit au pont des techniques, des méthodes, des tests susceptibles de mieux aider les consultants qui, toujours plus nombreux, firent appel à lui, la réputation de l’office s’élargissant sans cesse. Des milliers de dossiers furent traités sous ses auspices.
A l’heure de sa retraite, en 1972, d’anciens élèves maubraisiens, devenus parents à leur tour, continuaient à aller demander conseil à « Monsieur Luc ».
Il fut aussi directeur du dispensaire d’hygiène mentale de Tournai, professeur à l’école des infirmières de la Dorcas et président du comité de patronage à la défense sociale.
En toute logique, à Maubray Luc fut musicien à la Fanfare Royale, au point d’en devenir un des piliers et terminer à la présidence. Il fut aussi acteur au sein de la troupe qui dispensait des représentations dans la salle du patronage, pendant la guerre, au profit des prisonniers.
Apiculteur averti, il donna pas mal de conférences dans la région, et même la radio nationale fit appel à lui pour meubler son antenne, du fait qu’il occupait une fonction importante au niveau de la fédération belge d’apiculture.
Luc eut deux enfants, à présent décédés. Lui-même disparut en 1996. Dans les dernières années de sa vie, ce Maubraisien d’adoption ne venait plus que très rarement fouler le sol qui l’avait accueilli un demi-siècle plus tôt; il faut dire que ses relations, devenues conflictuelles, avec le prêtre de la paroisse ne durent pas être étrangères à cet état de fait.