Connu sous le pseudonyme de « Paul du Clerc », il naquit quelques années avant la fin du 19e siècle. Ce sobriquet lui venait héréditairement de son père, qui officiait en tant que clerc-organiste à l’église du village. Lui-même assura d’ailleurs la succession de son père dans cette fonction et permit donc au surnom dont il s’était vu affublé de garder toute sa signification.
Nul doute que les prédispositions familiales pour la musique devaient amener Paul à jouer un rôle – et il fut loin d’être négligeable – dans le contexte associatif de l’époque dominé d’une manière générale par la présence de sociétés musicales , Maubray n’en faisant pas exception.
En 1923, il dirigeait l’unique fanfare du village, dénommée Société des Fanfares de Maubray. Suite à une querelle au sein de sa propre famille, celle-ci se divisa cette année-là en deux clans, de même d’ailleurs par ricochet que la phalange qu’il conduisait !
Il quitta le local, qui était tenu par un des membres de sa famille (CYR TANFIN) devenu persona non grata, et fonda une nouvelle phalange, appelée Fanfare Royale (aussi appelée : Musique du Clerc), avec une partie des musiciens qui prirent parti pour lui; le reliquat des instrumentistes poursuivit son activité au local d’origine, sous la direction d’un autre chef (VICTORIEN WALLEMACQ), sous le nom de Fanfare l’Union. (dite aussi : Musique TANFIN).
Pendant la guerre 1940-45, les activités des deux fanfares furent mises sous l’éteignoir. Mais, au sortir de celle-ci, les querelles reprirent de plus belles. Paul et ses amis, à qui il manquait une grande salle pour organiser des spectacles et des bals, édifièrent en 1946 le « nouveau salon », à proximité de l’ancien, ce qui ne fit qu’exacerber les tensions.
Paul dirigea sa société avec beaucoup de compétence et de détermination. L’animosité entre les deux fanfares était à son paroxysme à cette époque et il n’était pas question pour lui d’éventuellement se laisser damer le pion, car son amour-propre était profond.
A la fin des années 50, sa santé déclina brusquement; par la force des choses, il abandonna les rênes de la société et passa le témoin à son beau-frère, Léonce Vivier. A quelques mois près, il rata les célébrations organisées fin 1962 à l’occasion du centenaire de sa fanfare, année au cours de laquelle il décéda.
La Fanfare Royale était couplée à une société dramatique (ARS & CARITAS), dont les représentations avaient bien naturellement lieu au nouveau salon. Paul en était le régisseur. Sous sa direction furent interprétées deux fois l’an des œuvres réputées, telles que : L’Arlésienne, Les Deux Orphelines, La Porteuse de pain, Le Rosaire, Roger-la-Honte.
Déjà pendant l’occupation allemande, Paul dirigeait la troupe théâtrale qui se produisait dans la salle du patronage et qui visait à récolter des fonds en vue d’en faire profiter les prisonniers de la commune via l’envoi de colis contenant des victuailles. Il fut d’ailleurs l’auteur d’une pièce en quatre actes intitulée « Sous la botte nazie », dont l’action se passait en mai 44 quelque part en Belgique, et qui fut interprétée à deux reprises début 1945.
Comptable de formation, Paul Dellettre avait un sens inné de la précision et de la rigueur. Ses deux sociétés (fanfare et dramatique) meublaient la totalité de ses loisirs; elles étaient toute sa vie. Sans jamais faiblir ni même transiger, radical et inflexible, il garda toujours ses distances vis-à-vis de la fanfare et de la dramatique « concurrentes » ! Paul avait deux enfants, tous deux décédés actuellement.